La Sirène accueillait Detroit, il y a trois ans, pour un concert complet dès les premiers jours. La parenthèse de ce bel album et de la tournée refermée, Bertrand Cantat revient aujourd’hui sous son nom, avec Amor Fati, album migrateur et au long cours composé avec les mêmes complices (Pascal Humbert, Bruno Green) depuis l’ancienne maison de Nino Ferrer, dans le Lot, puis en Espagne, Italie, Chili, Belgique, Allemagne…
Dans ce fil complexe qu’on ne remontera pas ici, l’album sonne étonnamment comme une suite individuelle du collectif et aventureux dernier album de Noir Désir, Des visages, des figures (2001). Dans les thématiques comme dans les sonorités, avec ce mélange d’électro soft, de rock tendu, de pop ténue, de fragilité acoustique, de cuivres et cordes vespérales (la trompette d’Erik Truffaz), Bertrand Cantat renoue avec ses combats de toujours (mondialisation, capitalisme), ses obsessions poétiques (l’absence, la nuit avec ses aubes et ses crépuscules) et cette langue charnue, baudelairienne et ciselée, synthétisant la Babel linguistique du monde comme les techniques contemporaines (flow, talking world, argot, déclamation…).
D’emblée, la locution latine donnant son nom à l’album, utilisée par Nietzsche au sens d’une acceptation du destin, du chaos comme du réel, avait donné le ton : ce qui est, maintenant, ici. Entre dénuement, métissage, émotions brutes et densité électrique, entre « l’anthracite et l’or », les abysses et le ciel, Amor Fati peut s’installer durablement dans nos oreilles.