Dans le revival des grandes voix de la soul de ces dix dernières années (patiemment organisé pour grande partie par le travail des passionnés de Daptone Records), Lee Fields occupe une place à part. Qui pourrait revendiquer la parenté vocale croisée de Marvin Gaye, OV Wright, Percy Sledge, Donny Hathaway, Smokey Robinson, James Brown, Otis Redding et Sam Cooke sans se ridiculiser ? Assumer à la fois l’héritage sonore des studios Stax, Fame, Motown, Muscle Shoals et Chess sans passer pour un vieux poseur en quête de syncrétisation ? Une seule et même réponse, du haut de ses 66 ans et de bientôt 50 ans de carrière dans le rhythm’ and blues, l’homme de Wilson (Caroline du Nord) aura connu à peu près tous les aléas et rebondissements d’une vie de chanteur afro-américain : douze labels différents, du blues, au gospel, en passant par le funk et la soul, en passant par la house de Martin Solveig, Wax Tailor, ou les hommages de Wilco ou des Black Keys. La rédemption publique et discographique viendra avec My World, puis Faithful Man (2012) chez Truth & Soul, avant le magnifique Special Night aujourd’hui. Toujours ce seul et même homme sincère et droit, cette même voix rocailleuse et perfectionniste, cette même énergie et ferveur appuyées sur le groove et la concision de ses Expressions. Plus urbain et sophistiqué que Charles Bradley, le légendaire Lee Fields reste un maître étalon du soul-revival que nous sommes très fiers d’accueillir à nouveau dans nos murs après son fabuleux concert en 2012.