Mais quelle subite manie pousse donc les groupes à auto-célébrer leur histoire au hasard des dates anniversaires de leurs albums ? On oubliera ici les râleries de principe puisqu’il s’agit des indispensables New-yorkais francophiles de Nada Surf, soit le gratin de l’indie-pop-rock de la ville qui profite des quinze années de Let go (2002), chef-d’œuvre et pierre angulaire de leur carrière, pour nous rendre visite pour un concert en deux parties. Un premier set consacré à l’intégralité de l’album, un deuxième en forme de best of. Avec naturellement l’immanquable Popular (1996), sorte d’hymne générationnel à l’égal du Creep de Radiohead ou du Dream all day des Posies. Un titre marqué par les normes alors en vogue du grunge, mais qui propulsa littéralement les ventes de leur premier album, High/Low.

Sans doute est-ce dans ce premier dérapage initial que se trouve l’ADN de Let go, dans l’insistance nocive de leur maison de disques d’alors à réitérer le bingo bruitiste du hit et dans la volonté de Matthew Caws (guitare, chant), Daniel Lorca (basse, chant) et Ira Elliot (batterie) de s’affranchir à la fois du label et de leurs illustres producteurs (Ric Ocasek, Fred Maher) pour retrouver leur liberté, clef de voûte de toutes leurs ambitions artistiques. Cette réaction ressemblera à une résurrection en douze chapitres électriques, à la fois puissants et automnaux, lumineux et mélancoliques, intimistes et amères, dans l’héritage direct de l’indie rock soft et du meilleur de la power-pop américaine historique (Big Star, dB’s). Nada Surf a depuis intégré Doug Gillard aux guitares et sorti cinq albums studio, dont le dernier, You Know Who You Are (2016), lequel scintille comme toujours des mille feux de l’élégance.